Productivité

Anne-Cécile, designer graphique freelance et nomade digitale

Nomadisme digital : populaire auprès des freelances. Échange avec Anne-Cécile Leroux, Designer Graphique de retour d'un voyage de 18 mois.
Portalia 07/10/2021 - 6min

Après 18 mois de voyage et 13 pays traversés en pleine “fin du monde” (selon son expression), Anne-Cécile Leroux a reposé ses valises à Madrid en mai dernier. Comme elle, ils sont de plus en plus nombreux ces « Digital Nomads » qui allient travail et découverte de nouveaux horizons. Elle a accepté de nous partager son expérience de freelance nomade pour nous éclairer sur cette tendance émergente, sans doute renforcée par le travail à distance.

Que comprendre par « Digital Nomads » ? 

Une définition du nomade digital ?

Anne-Cécile ne s’était jamais posé la question de savoir si elle était une nomade digitale.  Elle décrit simplement son mode de travail comme le fait de se balader avec son ordinateur. C’est son entourage qui a définit son mode de vie comme « digital nomad ».

Nous lui avons tout de même demandé quelle serait pour elle une bonne définition d’un nomade digital :

« Quelqu’un qui peut travailler sans limites géographiques, [quelqu’un] d’indépendant. [Une personne] qui a juste besoin d’une connexion internet. »

Nomadisme digital : pour qui ?

Selon Anne-Cécile, pour réussir son expérience de nomade digital, il faut être organisée, mais flexible, et n’avoir ni peur de l’inconnu ni de l’imprévu.

Tout est une expérience : on vit au rythme des bons moments comme des imprévus. Il faut savoir puiser dans ses propres ressources pour que cela soit un succès.

« Tu sais ce que tu laisses, tu ne sais pas ce que tu vas avoir, mais en tout cas, ça reste une expérience. [...] Parfois, tu découvres qu’on t’a menti, qu’il n’y a pas de bus pour t’emmener du point A au point B. Tu te dis que c’est une blague ou une caméra cachée. [...] Je m’attendais à plus de galères, mais ça a été. »

Son choix : le Freelancing pour pouvoir voyager

Plus que l’envie d’être son propre patron, c’est son désir de voyager qui a poussé cette trentenaire à quitter son emploi salarié il y a 3 ans et à créer sa société.

« Mon idée, c’était d’être freelance pour bénéficier de la sécurité sociale et pouvoir voyager. »

Anne-Cécile a toujours eu l’envie de voyager et elle a trouvé, grâce à son activité d’indépendante, un moyen de joindre l’utile à l’agréable. Heureusement, dit-elle, son activité a démarré assez vite puisqu’elle a signé son premier client en janvier 2019, soit un mois après le lancement officiel de son activité. Cela lui a permis d’envisager sérieusement et durablement cette activité professionnelle et de ne pas faire, uniquement, un paravent administratif.

Comme elle nous l’a expliqué, son statut de freelance lui offrait une double sécurité pour préparer son projet de voyage : une couverture sociale et une source de revenus pour financer ses dépenses. « Je ne suis pas la plus forte pour économiser », nous dit-elle.

C’est donc fin 2020 qu’elle débuta son grand voyage, avec son conjoint qui lui avait démissionné de son poste.

La perception sociale sur le nomadisme digital

Une question de génération ? Si l’annonce de son projet a provoqué de la curiosité et parfois de l’envie auprès de ses amis, l’enthousiasme ne fut pas le même avec ses parents.Dans leur esprit, la stabilité est la norme. Alors être freelance et en mobilité géographique qui plus est, c’est un concept qu’ils ont eu du mal à comprendre. « [Pour eux], j’étais quelqu’un d’un peu perdu ».En revanche, elle a été très sollicitée par son entourage sur des questions purement pratiques : comment gérer les bagages, où dormir, comment elle fera pour travailler ? 

Selon elle, il s’agit d’une expérience qui attire beaucoup de travailleurs, mais que peu concrétisent. Pourtant, à ses yeux, « ce n’est pas plus compliqué que d’organiser de grandes vacances ».

Travailler en voyageant : quelles implications ? 

Quand on décide de devenir nomade digital, il faut savoir être flexible et se préparer à vivre avec les aléas du voyage. On ne peut pas réellement parler d’une organisation du travail. 

Travailler de n’importe où

Si vous avez besoin de confort pour travailler, alors le nomadisme digital n’est pas fait pour vous. Pas de bureau, de chaise confortable ou de connexion internet infaillible.

« Tu n’as pas de bureau fixe donc tu travailles parfois dans des stations de bus, [parfois même] par terre. Je me mettais en tailleur avec mon ordi. Parfois internet se coupe parce qu’il pleut donc on fait ce qu’on peut. »

Il faut se débrouiller avec les moyens du bord et être conscient que tout ne fonctionnera pas toujours comme prévu.  Pour cette indépendante, l’important c’est de bien prioriser ses tâches et de faire au mieux pour répondre aux attentes des clients

Travailler n’importe quand

Plus encore que pour les freelances sédentaires, la notion de temps de travail se dilate pour les « Digital Nomads ». Il faut être prêt à travailler le dimanche, tôt le matin ou tard le soir pour pouvoir pleinement profiter des expériences qu’offre le voyage.D’ailleurs, la gestion du décalage horaire aura été éprouvante pour Anne-Cécile. C’est donc un facteur à prendre en compte, surtout si, comme elle, vous envisagez de voyager autour du monde. Anne-Cécile a dû parfois travailler jusqu’à 3 h du matin pour certains clients, dormir quelques heures, puis de nouveau être disponible pour ses clients européens pour qui la journée de travail avait déjà démarré.

Cette consultante en freelance avait fait le choix de ne pas avertir ses clients de sa mobilité. Ce modèle est si peu commun en France qu’elle pensait que certains aurait pu montrer des réticences. Seuls deux de ses clients ont finalement été mis dans la confidence. Ils s’inquiétaient de la voir répondre à des emails à 3 h du matin, heure française.

Avoir des revenus réguliers pour faire face aux dépenses imprévues

L’idéal est de partir avec des économies pour se prémunir des coups durs. Mais si vous n’avez pas eu le temps de constituer une épargne, assurez-vous d’avoir de bons clients qui vous rappelleront et vous apporteront une source de revenus constante. De même, anticipez les temps morts dans votre activité de freelance en continuant de mener des actions de prospection. On ne sait jamais, vous pourriez vous retrouver bloqué 6 mois en Patagonie par une pandémie mondiale alors que vous ne pensiez y passer qu’une semaine.

Nomade digital : tendance éphémère ou mode de vie ?

Pour cette Designer Graphique, si le terme est jeune et tendance, ce mode de vie est une réalité depuis déjà bien longtemps. C’est un état d’esprit.D’ailleurs, lorsque nous avons parlé de la vie après le voyage, Anne-Cécile n’a pas caché que le retour à la maison était compliqué. Remettre ses vêtements dans une penderie a été un geste étrange pour elle. Le sentiment de stagner alors qu’elle aurait très bien pu continuer à être mobile. Elle estime que l’on peut tous, à un moment de notre vie, vivre une expérience de nomade digital. Pas nécessairement sur plusieurs années ni en étant forcément un travailleur indépendant. Avec le télétravail, même un salarié pourrait envisager de partager son temps entre plusieurs endroits, deux mois par-ci, par-là. 

« A ceux qui ont l’envie mais qui ont peur, qu’ils essaient, car ce n’est pas irréversible. Si ça ne te convient pas, pour une raison ou pour une autre, tu peux toujours rentrer. »

En tout cas, son conjoint et elle n’excluent pas de renouveler l’aventure quand ils le pourront, « ce n’est pas fini pour la vie ».

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